Chère Julia,
Je t’écris maintenant, alors que tu dors, au cas où demain ce ne soit plus moi qui se réveille à tes côtés. Dans mes voyages d’aller-retour, je passe de plus en plus de temps de l’autre côté ; je crains qu’un de ces jours il n’y ait pas de retour.
Au cas où demain je ne sois plus capable de comprendre ce qui m’arrive, que je ne puisse plus écrire à quel point je t’admire et je t’estime pour ton intégrité et ta volonté d’être à mes côtés et de me rendre heureux malgré tout ce qui arrive, toujours.
Au cas où demain je ne sois plus conscient de ce que tu fais quand tu mets des petits papiers sur chaque porte afin que je ne confonde pas la cuisine avec la salle de bain.
Quand tu réussis à nous faire rire parce que j’ai oublié de mettre mes chaussettes avant de mettre mes chaussures.
Quand tu t’acharnes à maintenir la conversation vivante bien que je sois perdu dans toutes les phrases.
Quand tu t’approches doucement et que tu me chuchotes le nom d’un de nos petits-enfants à l’oreille.
Quand tu me réponds avec tendresse malgré les excès de colère qui m’assaillent, comme si quelque chose en moi glissait sur ce destin qui me rattrape.
Pour tout cela et pour tant d’autres choses, au cas où demain je ne me souvienne plus de ton nom, ou du mien, que je ne puisse plus te remercier, que, Julia, je ne sois plus capable de te dire, même une dernière fois, que je t’aime.
À toi, pour toujours.
T.A.M.R.